Le lagon de Gouaro-Deva
est inscrit au patrimoine mondial de l’humanité

Le site de Gouaro-Deva est au centre d’un des six sites protégés par l’UNESCO, la Zone côtière ouest. On y trouve un lagon magnifique ainsi que des tortues, des dugongs et parfois des baleines.

 

La Calédonie, un écosystème exceptionnel

Depuis que la Grande-Terre s’est détachée du Gondwana, les lois de l’évolution, le relief, le climat et la nature des sols ont façonné en Nouvelle Calédonie des écosystèmes d’une richesse exceptionnelle. Aucune autre région du monde ne présente, sur une surface aussi réduite, une flore et une faune aussi variées et un taux d’endémisme aussi élevé.

Le site terrestre de Gouaro Deva accueille l’une des dernières et des plus vastes reliques de forêt sèche (sclérophylle). La surabondance des cerfs sur certaines zones entraînant piétinement, broutage intensif et érosion des sols. Des prospections axées sur les ongulés ont été réalisées à Gouaro en 2005. Les premiers résultats ont mis en évidence une forte densité de cerfs. La fréquentation des sites par les cochons est tout aussi importante.

La mangrove est une interface entre les milieux marin et terrestre. Elle est généralement associée aux écosystèmes lagonnaires. Elle couvre entre 150 et 200 km2 en Nouvelle-Calédonie et a subit une importante dégradation avec l’accroissement de l’agglomération nouméenne.

Ile Verte

Les Calédoniens et l’environnement

Pour les clans Kanak, le patrimoine naturel est fondamental pour assurer la subsistance mais aussi pour garantir leur ordre identitaire et culturel. La mer et la terre constituent, dans une même unité, un territoire vital et un ciment pour le développement pacifié de la communauté. La gestion des ressources du territoire du clan respecte des règles sociales fortes telles que ne pas prélever au delà des besoins. Cette vision Kanak a elle-même influencé la relation des Calédoniens d’autres origines par rapport à l’environnement. Le premier numéro de l’année 2009 de la revue culturelle kanak Mwà Véé s’intitule : «l’espace de vie Kanak : l’esprit de la terre, l’esprit de la mer». Il s’agit là d’une réflexion sur la prise en compte de l’environnement, notion occidentale, et de l’«espace de vie», notion plus autochtone.

Parallèlement, plusieurs secteurs économiques tels que le tourisme, la pêche ou l’agriculture, reposent sur la beauté des paysages et les ressources biologiques. La Nouvelle Calédonie est aujourd’hui identifiée par la communauté scientifique comme l’un des 34 points chauds pour la conservation de la biodiversité mondiale. Un inventaire spatialisé des menaces et pressions (feux, exploitation minière…..) a été mis en place dans le cadre du programme forêt sèche du domaine de Gouaro-Deva.

La deuxième plus grande barrière récifale

Ce récif, d’une longueur de 1 600 km, deuxième après la grande barrière australienne, délimite un lagon de 23 400 km2 d’une profondeur moyenne de 25 à 40 mètres. Les récifs se trouvent en moyenne à 30 kilomètres de la côte, avec un maximum de 200 kilomètres aux récifs d’Entrecasteaux. Globalement, les récifs coralliens sont en bonne condition car ils subissent une faible pression humaine.

Le complexe récifal est unique au monde en ce qu’il est « autostable » dans l’océan et encercle l’île de Nouvelle-Calédonie offrant une variété de formes diverses d’exposition océanique, notamment des courants chauds et des courants froids. On estime le nombre des espèces à plus de 1200 éponges et coraux, 2500 poissons, 6500 mollusques, 4000 crustacés et 3 types de tortues. Parmi les espèces les plus menacées, on citera les dugongs, les baleines et les tortues marines.

Tortue Grosse tête

Une protection efficace

Les autorités locales ont mis en place depuis une vingtaine d’années un réseau d’aires marines protégées couvrant 39 000 ha soit 1,8 % de la superficie du lagon. La réglementation sur la pêche bien que différente dans chaque province permet d’assurer une protection d’espèces emblématiques et menacées comme les tortues ou les dugongs. La Nouvelle-Calédonie a récemment constitué un sanctuaire pour les baleines au sein de la Zone Économique Exclusive.

Les associations de protection de l’environnement sont largement mobilisées sur l’enjeu de la protection des milieux marins. Des associations telles que WWF, Opération Cétacés, participent activement à l’amélioration des connaissances sur les espèces en danger (tortues, dugong) et ont contribué aux côtés des autorités locales à réaliser des documents de vulgarisation pour l’information du public.

Au niveau régional, la Nouvelle-Calédonie est membre du programme régional océanien de l’environnement (PROE), structure mise en place par la convention de Nouméa (1986), qui a pour mission d’aider les pays du Pacifique sud à protéger et à améliorer l’environnement qui leur est commun.

Un classement partiel au patrimoine mondial en 2008

L’UNESCO a voté le 7 juillet 2008 l’intégration d’une partie du lagon au patrimoine mondial de l’humanité. Il s’agit de 41 000 hectares répartis sur 6 grands sites répartis en 14 aires marines, soit environ 1% de la surface lagunaire totale.

Le dossier s’intitulait : Les lagons de Nouvelle-Calédonie : diversité récifal et écosystèmes associés. La zone reconnue par l’UNESCO couvre 15 743 km2, répartie sur 6 sites. Dans un communiqué, le ministre français de l’Ecologie, de l’Energie, du Développement durable et de l’Aménagement du territoire, Jean-Louis Borloo, s’est réjoui de l’inscription au patrimoine de l’Unesco d’une grande partie du récif corallien de Nouvelle-Calédonie, soulignant qu’il « s’agissait du premier espace de l’outre-mer français inscrit au patrimoine mondial. En cette année internationale des océans, un nouveau pas a été franchi vers l’objectif fixé, dans le cadre du projet de loi Grenelle Environnement, de placer 2% du territoire sous protection forte d’ici 10 ans ».

Yves Jégo, le Secrétaire d’état français de l’Outre-mer, se félicita de cette décision qui, en cette année internationale des récifs coralliens, constitue une marque d’encouragement pour l’ensemble des acteurs nationaux et internationaux qui s’investissent dans la protection des récifs et de la biodiversité. Pour Ahab Downer, Responsable du Bureau WWF-France en Nouvelle Calédonie, cette inscription est une superbe réussite et devrait renforcer les efforts déjà considérables pour assurer la conservation de ce bijou marin à la fois extraordinaire et fragile.

Le 20 mars 2009, la province Sud a adopté son code de l’environnement qui constitue désormais une réglementation environnementale lisible et moderne axée sur la protection des écosystèmes et des espèces menacées ainsi qu’un plan d’action de développement durable qui détaille neuf axes stratégiques. La province Sud travaille ainsi sur un inventaire des sites d’intérêt biologique et écologique (SIBE). Un exercice de même type a été initié par la province Nord. Une cartographie générale des mangroves a été réalisée en 2007. La biodiversité marine de l’archipel est exceptionnelle avec 9372 espèces identifiées. Nous sommes dans un véritable sanctuaire…

Six sites reconnus par l’UNESCO

Le Rivage de Poé

On y trouve la concentration la plus diverse du monde de structures récifales avec une variété exceptionnelle d’espèces de coraux et de poissons et un continuum d’habitats allant des mangroves aux herbiers marins avec une vaste gamme de formes récifales. On y trouve encore des écosystèmes intacts avec des populations saines de grands prédateurs ainsi qu’une grande diversité de grands poissons en grand nombre. La beauté naturelle des lagons est exceptionnelle. Ils contiennent des récifs variés d’âges divers – des récifs vivants aux récifs fossiles anciens – constituant une source d’information importante sur l’histoire naturelle de l’Océanie.

Zone côtière ouest (dont les récifs de Gouaro-Deva)
Zone des récifs d’Entrecasteaux
Zone du Grand Lagon Nord
Zone côtière nord et est
Zone d’Ouvéa et Beautemps-Beaupré
Zone du Grand Lagon Sud

On considère que les lagons et récifs coralliens tropicaux de Nouvelle-Calédonie sont parmi les systèmes récifaux les plus beaux du monde en raison de la grande diversité des formes et formations présentes sur une zone relativement restreinte. Ca va de la présence de deux vastes récifs barrière consécutifs, de récifs de pleine eau et d’îlots coralliens ou encore de formations récifales réticulées à proximité du rivage, sur la côte occidentale. La richesse et la diversité des paysages et de l’arrière-plan côtier apportent une touche esthétique particulière de qualité exceptionnelle. La beauté ne s’arrête pas à la surface car on y trouve une diversité spectaculaire de coraux, des structures coralliennes massives avec des arches, des grottes et d’importantes fissures dans les récifs.

Le travail de protection ne fait que commencer car l’UNESCO impose, pour maintenir son label, certaines conditions. La plus importante vise à élaborer des plans de gestion des sites classés en impliquant les collectivités locales et les populations. L’objectif est simple : faire en sorte que tous les acteurs (politiques et populations) ainsi que les opérateurs touristiques et économiques s’approprient cette précieuse biodiversité à travers des comités de gestion participative. La démarche nécessaire d’adaptation aux spécificités culturelles océaniennes prendra du temps.

En 2010 un membre de l’UICN (Union Internationale pour la Conservation de la Nature) est venu s’assurer de l’avancée des mesures prises pour la préservation du bien. Depuis 2011, le Conservatoire des Espaces Naturels coordonne des comités de protection indépendants et sert de point focal pour toutes les questions liées au patrimoine mondial.

La Zone côtière ouest est centrée sur Gouaro-Deva

Cette zone protégée est située sur le domaine public maritime de la province Sud et sur le domaine marin des communes de Bourail, Moindou et La Foa. L’aire marine est limitée vers la côte par la laisse des plus hautes eaux, vers le large par l’isobathe 100 m après le tombant du récif barrière, au nord par la passe du Cap Goulvain et au sud par la passe d’Isié.

La superficie de l’aire marine de la Zone Côtière Ouest faisant partie intégrante du bien à inscrire au patrimoine mondial atteint 482 km2 (48 200 ha). Les zones « tampon » marines et terrestres couvrent respectivement une superficie de 325 km2 (32 500 ha) et 1 713 km2 (171 300 ha).

Carte Cotière

Les extrémités Nord et Sud de la Zone Côtière Ouest présentent des mangroves particulièrement bien développées. La baie de Bourail, située en position centrale, est caractérisée par une large ouverture dans le récif barrière permettant aux houles de venir se fracasser directement sur l’un des rares faciès rocheux du littoral calédonien. Cette zone, comprend quatre aires marines protégées qui se caractérisent par divers sites remarquables et notamment :  la faille de Poé qui est une saignée très étroite dans le récif et le lagon au nord de la baie de Bourail. D’une profondeur moyenne d’environ 20 m, cet ancien lit de rivière constitue un petit canyon parcouru par de violents courants et fréquenté par de nombreux et gros requins ainsi que par des espèces pélagiques,

Contrairement à ce qui peut être observé sur la plupart des littoraux tropicaux, il n’existe pas de grandes lagunes en Nouvelle-Calédonie. Le marais maritime de lagune le plus connu des amateurs de loisirs balnéaires est celui du Creek Salé à Poé, linéaire et parallèle à la plage. Certains petits estuaires sont invisibles sur les cartes existantes comme à l’ouest de Poé, où un petit cours d’eau, le No Bouaou, présente d’aval en amont et sur deux kilomètres environ une belle séquence de palétuviers du genre Rhizophora, Excoecaria et Heritiera.

Lagon enclavésÁ Gouaro Deva se trouve notamment une mangrove avec de beaux peuplements d’ Heritiera littoralis et d’Excoecaria agallocha le long d’un petit estuaire très étroit recoupant un ensemble de cordons littoraux. On y observe une multitude d’amas coquilliers anciens (lumachelles). Une formation de mangrove de 27 ha, en très bon état de conservation, se situe à l’embouchure de Déva et de Temrock. Les espèces végétales y sont communes à celles de la zone Pacifique mais son rôle de refuge important pour l’avifaune en fait un site d’une grande valeur écologique.

Les récifs sont essentiellement constitués de récifs barrière situés à une faible distance de la côte dont ils sont séparés par des fonds de sables grossiers peu importants et très peu peuplés par les poissons. Les récifs frangeants et intermédiaires sont peu développés, les premiers étant la plupart du temps dans des eaux turbides. Les échanges entre les différents récifs sont facilités par la faible profondeur et l’existence de pâtés coralliens épars qui servent de relais de colonisation.

Pâtés coraliens

 

Gouaro-Deva et les « grosses » espèces animales

Le plus important site de ponte des tortues «grosse tête» Caretta caretta se situe sur le littoral de la commune de Bourail (plage de la « Roche Percée »). Cette population calédonienne représente entre 10 et 20% de la population totale du Pacifique. D’après le suivi effectué par «l’Association de la Roche Percée », 140 nids sont creusés chaque année. Les contrôles réalisés sur les nids après émergence ont prouvé qu’au moins 70% des œufs pondus ont donné naissance à une jeune tortue susceptible de rejoindre l’océan, ce qui est un taux tout à fait satisfaisant. C’est aussi exclusivement dans les roches de la baie des tortues que vivent quelques spécimens de la langouste de Bourail Panulirus homarus. Il s’agit d’une petite population. C’est une langouste de roche à vaste répartition dans le Pacifique mais inféodée à un habitat très restreint en Nouvelle-Calédonie.

L’ensemble des passes de la côte Ouest constitue des habitats importants pour le dugong puisque des agrégations répétées ont été constatées sur plusieurs jours. La région Centre-Ouest se distingue des autres régions par la proportion de dugongs associés à une passe (73%) ainsi que la proportion d’individus retrouvée à l’extérieur du récif (33%). Un grand nombre de tortues marines et de raies ont été rencontrées dans l’habitat du dugong.

Dugong

La mise en place d’un plan de gestion durable à Gouaro Deva

Située dans la zone tampon directement adjacente au lagon de Poé, le site de Gouaro Deva, appartenant au domaine privé de la province Sud, possède les forêts sèches les plus étendues de Nouvelle-Calédonie. Elles présentent à ce titre un intérêt patrimonial très élevé qu’il faut préserver sur le long terme.

La première étape de cette préservation a consisté en la réalisation d’une expertise environnementale qui a conduit aux premières recommandations en matière de gestion durable dans le but d’associer développement économique, aspirations des populations rurales et protection de la biodiversité. Ce plan de gestion s’oriente vers un processus de concertation entre les différents usagers des sites afin de définir un projet commun qui traduira les orientations, les objectifs opérationnels et les actions engageant les acteurs et les usagers dans la durée.

Embouchure de la Néra

Bibliographie succincte

Anonyme, 2008, Site 2. Zone Côtière Ouest, Ministère de l’Écologie et du Développement Durable, Paris, 48 p.

Collectif, 2012, Atlas de la Nouvelle-Calédonie, IRD, Nouméa, 270 p.

Desrame P., « La Nouvelle-Calédonie face aux exigences du droit de l’environnement : un lagon inscrit au patrimoine mondial de l’UNESCO », dans Land Law and Judicial Governance, p 37-48