La forêt sèche de Déva

La Nouvelle-Calédonie, en tant que « hot spot » mondial de la biodiversité , abrite d’incroyables écosystèmes. Parmi les plus anciens, la forêt sèche s’inscrit sur la liste des formations primaires du territoire au même titre que le maquis minier. Richesse écologique, bibliothèque pharmaceutique, gardienne des ressources et de l’histoire des Calédoniens, cette richesse inestimable est pourtant gravement menacée. Au Domaine de Déva se trouve la dernière plus grande forêt sèche de Nouvelle-Calédonie, un vaste programme de protection y a été mis en place depuis plusieurs années.

UNE FORET SÈCHE, QU’EST-CE QUE C’EST ?

La forêt sèche est présente sur plusieurs continents du globe. Prioritaire en matière de conservation, elle est l’un des écosystèmes les plus menacés au monde.

Dans la communauté scientifique on appelle cette formation naturelle la forêt sclérophylle (du grec skleros : dur et phylle : feuille), qui signifie littéralement « plantes à feuilles dures ».

Elle se retrouve uniquement sur la côte Ouest de la Grande Terre où les précipitations annuelles ne dépassent pas les 1m. Observable sur des altitudes allant de 0 à 400m elle est soumise toute l’année aux alizés qui amplifient l’effet de sécheresse. On la trouve sur presque tous les types de sol excepté les terrains miniers.

Ainsi, la Forêt sèche est composée de plantes qui sont parvenues à coloniser ce milieu aride et hostile à la vie en développant plusieurs mécanismes de survie.

DES MÉCANISMES D’ADAPTATION ?

Afin de survivre dans un milieu aride, il est primordial d’économiser l’eau. Contrairement aux animaux les plantes ne peuvent pas aller chercher leur nourriture ailleurs et doivent donc s’adapter à leur milieu pour survivre.

Premièrement, il convient de se protéger un maximum du soleil afin de limiter le phénomène naturel de transpiration :

• Les arbres possèdent des feuilles dures (d’où le nom de forêt sclérophylle).
• Certaines feuilles portent un duvet
• Les feuilles sont vernissées (brillantes) afin de renvoyer les rayons du soleil.
• Afin de limiter la surface d’exposition au soleil les feuilles sont peu nombreuses et de petite taille, certaines s’enroulent et s’inclinent afin de réduire d’avantage la surface d’exposition directe.
• Certaines plantes peuvent également perdre leur feuillage pendant la sécheresse.

Du coté des organes souterrains :

• Afin d’aller puiser un maximum d’eau, les racines se développent en profondeur mais aussi en surface.
• Certaines plantes sont capables de parasiter d’autres végétaux, s’en servant pour se nourrir.
• D’autres peuvent entrer en relation symbiotique avec des bactéries (bactériorhize) ou des champignons (mycorhize) aidant à puiser les sels minéraux.

C’est par ces incroyables adaptations que des organismes ont pu conquérir de tels milieux et créer des forêts denses aux caractéristiques improbables.

UN RÉSERVOIR DE EN BIODIVERSITÉ

Malgré l’aspect nonchalant de la forêt sèche c’est un véritable trésor de biodiversité. On y recense plus 400 espèces végétales qui, grâce à leurs fascinantes adaptations, sont pour beaucoup uniques au monde avec 60% d’endémisme végétale. En effet, plus de 240 d’entre-elles ne sont observables que dans les forêts sèches de Nouvelle-Calédonie et certaines sont même extrêmement rares. C’est aussi l’habitat de nombreuses espèces animales : plus de 79 espèces d’oiseaux, 64 de reptiles, 7 de mammifères…

Son importance écologique ne s’arrête pas là : elle retient les sols, limitant l’érosion et les inondations, elle filtre et préserve les ressources en eau en régulant les températures, protège nos ressources alimentaires et plus encore…

La forêt sèche calédonienne est aussi une bibliothèque pharmaceutique. Elle abrite plusieurs espèces végétales possédant des vertus médicinales bien connues dans la culture mélanésienne. D’un point de vue culturel, plusieurs sites historiques ont pu y être mis au jour par des fouilles archéologiques. C’est notamment le cas sur le Domaine de Déva où l’on peut encore observer sur les sentiers certaines traces des civilisations kanakes traditionnelles.

DISPARUE A 98% …

Si on sait aujourd’hui que la forêt sèche est d’une grande importance dans bien des domaines, ça n’a pas toujours été le cas. Pendant longtemps la forêt sèche était considérée comme une « brousse » inutile et sans intérêt.

On l’a bien souvent détruite au profit d’installations agricoles (pâturages) ou urbanistiques.

Les feux mal contrôlés ou criminels ont largement contribué à sa disparition.

Enfin, l’importation d’espèces envahissantes animales ou végétales (cerf, cochons, rats, fourmies électriques, … sensitive géante, lantana, …) a directement impacté le bon développement d’un grand nombre d’espèces végétales et animales locales.

L’ensemble de ces nombreuses menaces a mené à la disparition de 98% de la surface originelle de forêt sèche de l’île.  En effet, elle ne recouvre plus que 52km² sur l’ensemble du territoire, contre près de 4500km² à l’origine. Et sa surface est aujourd’hui extrêmement fragmentée : 700 fragments forestiers dont seulement 80 dépassent les 50 hectares… La Forêt sèche de Déva, avec une surface de 1700 hectares, est donc la dernière plus grande forêt sèche du territoire.

COMMENT LA PROTÉGER ?

Aujourd’hui conscients du grand intérêt de la forêt sèche, plusieurs acteurs publics, privés ou particuliers du territoire collaborent afin de la protéger. La protection de la forêt sèche se répartie en 6 grands axes :

• La connaître : des groupes de travail, de scientifiques, se réunissent afin d’approfondir les connaissances sur la forêt sclérophylle, en dresser des inventaires, connaitre ses espèces, sa répartition, ses modes de développement,…
• La préserver : une dynamique de mise en défens de la forêt sèche contre les cerfs et les cochons est menée, multipliant les surfaces clôturées en collaboration avec de nombreux propriétaires publics et privés. Le Domaine de Déva abrite ainsi, depuis 2017, la plus grande zone de forêt mise en défens sur 300 ha clôturés.
• La restaurer : reboiser reste encore le meilleur moyen de faire progresser la forêt. Au domaine de Déva une pépinière est dédiée à la croissance d’espèces de la forêt sèche pour sa reforestation. Depuis 2018, avec l’aide d’associations telles que Calédoclean se sont près de 12 000 plants de forêt sèches qui ont ainsi pu être replantés sur Déva.
• Lutter contre les Espèces Exotiques Envahissantes: Des actions de régulation du gros gibier sont régulièrement réalisées sur le Domaine afin de diminuer les populations de cerfs et de cochons. Des actions de luttes contre les végétaux envahissants y sont aussi été mises en place.
• Sensibiliser : convaincre le grand public de la valeur inestimable de la forêt sèche est primordial. Visites guidées, sentiers aménagés et panneaux d’information, le Domaine mise sur ses visiteurs pour devenir des ambassadeurs de la bonne cause de la forêt sèche.
• Valoriser : horticulture, agronomie, médecine, tourisme… Nombreuses sont les raisons de planter et d’exploiter la forêt sèche chez soi sans la détruire.

LA PEPINIERE DU DOMAINE :

Le domaine possède depuis 2016 une pépinière de 520 m² dédiée à la maturation de plusieurs espèces de forêt sèche prélevées directement sur le Domaine. Ce petit paradis végétal abrite aujourd’hui près de 6000 plants de plus de 40 espèces différentes dont de nombreuses espèces endémiques rares et menacées. L’ensemble de ces plants serviront aux actions de reboisement ou d’ornement réalisées sur le Domaine

Depuis 2018, au rythme de 6 à 9 plantations participatives par an, pendant la saison la plus propice de Février à Mai, près de 12 000 plants de forêt sèche ont pu être replantés sur le Domaine grâce à l’Association Caledoclean et de nombreux partenaires. C’est ainsi que la plus grande forêt sèche de Nouvelle-Calédonie a pu progresser de 3 hectares restaurés.